47:48- Réalisateur: Début octobre, nous avons un nouveau gouvernement et on nous parle de plus en plus d’une deuxième vague. J’aimerais savoir comment ça se passe aux soins intensifs des hôpitaux bruxellois. Je revois le Professeur Laterre.
1ier message : on s’inquiète pour rien
Nous sommes le 7 octobre, comme nous l’indique le réalisateur. Vous avez des patients covid? demande-t-il au médecin. Lequel répond qu’il en a trois dans son unité.
– On est loin de la saturation? Le Pr Laterre explique que cela n’a rien à voir avec mars-avril. Et à l’opposé de ce qui a pu se passer dans le nord de l’Italie, il n’y a jamais eu de saturation. C’est d’ailleurs à cause du confinement car beaucoup de gens ont eu peur et ne se sont plus présentés.
En résumé, on en fait trop.
On peut s’interroger pourquoi le réalisateur ne cherche pas à comprendre les projections qui ont amené à prendre les décisions gouvernementales – trop tardivement d’ailleurs, pour certains spécialistes. Il aurait pu par exemple aller voir E. André qui la même semaine l’expliquait sur Twitter et répondait aux questions des jeunes sur Tarmac, ou M. Van Ranst qui marquait également ses inquiétudes sur Twitter à la même époque. Il est vrai que notre réalisateur n’aime pas ceux qui parlent à l’oreille des ministres . Ceux-ci ont-ils tort de les écouter ? Voyons si cette seconde vague était fantasmée ou non.
Soyons de bon compte et voyons-y seulement une illustration des différences d’appréciation et complémentarités de compétences entre clinique et épidémiologie.
Des mesures plus ciblées à l’attention des communautés allochtones ?
Continuons de suivre le Pr Laterre. Un journaliste lui téléphone; il lui explique que nous sommes face à des mesures linéaires alors qu’il faudrait des mesures plus ciblées.
On met tout le monde dans le même panier (…) alors qu’on sait très bien que les patients qu’on a sont de la communauté allochtone. Alors, c’est pas du tout de leur faute. C’est des gens qui ont pas eu d’information correcte parce qu’ils vivent dans un mode communautaire classique (et on peut tout à fait comprendre), social habituel avec une grande promiscuité parce qu’ils sont nombreux dans les familles, parce qu’ils ont un espace plus réduit. Mais je crois que de nouveau si on ne cible pas dans les zones, dans les communautés dans lesquelles il y a clairement un plus grand problème de contamination ben je ne suis pas sur que ce n’est pas ça qui fasse la différence » . Et le réalisateur de conclure: Le professeur Laterre ne sera pas invité ce soir et on ne le verra plus dans les débats télévisés.
Pourquoi ne serait-il plus invité? Parce qu’il se trompe au plan épidémiologique comme on l’a vu plus haut? Parce qu’en termes très corrects il nous laisserait entendre que c’est la faute à tous ces bougnoules qui pondent des moutards et vivent les uns sur les autres? Alors que nous regorgeons d’études qui montrent à quel point la pandémie augmente les inégalités sociales. Alors que certains n’ont aucune possibilité de faire du télétravail et sont obligés de prendre les transports en commun, de travailler dans des conditions où les distances ne sont pas toujours respectées, où l’aération est insuffisante, …
La (triste) ironie pointe qu’à ce moment là, c’est surtout du côté francophone que l’on assiste à une explosion des contaminations.
A Thomas Gadisseux qui s’interroge si le virus connaîtrait la frontière linguistique, Marc Van Ranst répond le même jour : Aan de andere kant van de taalgrens heeft men spijtig genoeg zeer lang geluisterd naar diegenen die in de media en in open brieven beweerden dat er geen tweede Covid-19 golf was en dat er helemaal niets aan de hand was. (Malheureusement, de l’autre côté de la frontière linguistique, ils ont écouté pendant très longtemps ceux qui affirmaient dans les médias et lettres ouvertes qu’il n’y avait ni de deuxième vague Covid-19 ni de réel problème.) A quoi fait-il allusion? Notamment aux multiples déclarations du Pr Laterre, dont une carte blanche qui a effectivement beaucoup circulé à la fin de l’été (Le Soir 27/08/20 «Il est nécessaire et urgent de revoir totalement la gestion de la crise Covid-19». Le 8 octobre, sur les antennes de la RTBF, Bertrand Henne parlera des « rassuristes ». Cette carte blanche, avec d’autres du même acabit, a participé à une démobilisation face au virus. Jean-Luc Gala, Bernard Rentier, Pierre-François Laterre ont occupé le devant de la scène pour décrédibiliser les virologues et épidémiologistes étiquetés comme « marchands de peurs ».
Encore un mot avant de conclure. Certes, le 7 octobre, jour du tournage, avec 1.050 personnes hospitalisées, nous étions encore dans les hypothèses et projections. Ce n’était plus le cas trois semaines plus tard. Le réalisateur malgré les chiffres réels, alors disponibles (7.461 le 3 novembre), n’ira plus visiter les soins intensifs, ne demandera pas un nouvel avis au Pr Laterre et ne changea rien à son film.
Brice VDB
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