Vu des Pays-Bas: Het Verraad der Voorstelling- La trahison des images
Par Brecht Decoene & Peter Zegers pour Klop dat wel ? – 19/02/21.
Brecht Decoene est membre du conseil d’administration de la SKEPP et auteur de Achterdocht tussen feit en fictie. Kritisch omgaan met complottheorieën. (Suspicion, entre réalité et fiction. Pour une critique des théories conspirationnistes). (ASP -2016) – Peter Zegers est libraire à Amsterdam et tient un blog relatif au conspirationnisme ( Scepticus; )
Ceci n’est pas un complot, comment les médias racontent le Covid est le titre du dernier travail du documentariste wallon Bernard Crutzen. Il y traite de ce qu’il considère comme la manière inadmissible dont les médias wallons rendent compte de la crise du coronavirus. « Ce qu’ils disent, comment ils le disent, et ce qu’ils taisent », clame l’intro. Le film fait sensation, surtout en Belgique francophone, et a été massivement diffusé sur les médias sociaux.
Un documentaire qui souligne dans son titre qu’il ne s’agit pas d’une conspiration, éveille en nous une certaine suspicion. Nous ne voulons pas nous attarder trop longtemps sur toutes les inexactitudes factuelles du documentaire (un certain nombre de personnes l’ont déjà fait de manière excellente), mais dans cet article nous allons surtout discuter de la méthode utilisée par Bernard Crutzen.
Le cœur de l’argument de Crutzen est que les (principaux) médias en Wallonie sont mensongers et commettent consciemment et constamment des erreurs. Des médias tels que Le Soir et la RTBF présentent les choses de manière beaucoup plus dramatique qu’elles ne le sont en réalité et servent ainsi un gouvernement manipulateur qui impose des mesures inutiles et néfastes à la population. Ils sont également complices de la puissante industrie pharmaceutique, qui serait en grande partie détenue par Bill Gates. Au lieu de contrôler le pouvoir (ce qui est leur tâche dans une démocratie), les médias sont devenus complices du pouvoir. Vous avez compris : les médias ne font pas leur travail correctement. Crutzen met ainsi facilement tous les médias dans le même sac. Selon lui, pratiquement tous les journalistes sont atteints du même biais. Ils contribueraient à la création d’une psychose, de peurs irrationnelles et garantiraient qu’aucune critique ne soit plus possible.
Des absurdités qui paraissent crédibles.
Le documentaire est sournois et trompeur, principalement parce qu’il est très bien monté sur le plan stylistique et cinématographique. Les images et le montage sont de grande qualité. Cette fois, on ne nous présente pas un film d’amateur maladroitement assemblé. Pas de répétitions sans fin typiques ou de bande-son hypnotique, pas de zoom sinistre sur les détails, où la manipulation n’est que trop évidente et si typique de la plupart des documentaires de ce genre. Et c’est ce qui rend les choses particulièrement trompeur dans ce cas. Le documentaire est astucieux et insidieux simplement parce qu’il a l’air solide et professionnel.
Le récit suit de près les experts et nous observons les développements du point de vue du réalisateur. Il semble que ce soit un journaliste d’investigation qui parle ici, un individu qui pense par lui-même et qui ne se contente pas d’avaler ce que les médias manipulateurs lui présentent. Mais sous ce prétexte, Crutzen lui-même utilise toutes les méthodes qu’il reproche aux médias. Le récit semble équilibré et nuancé – car il laisse parler un nombre impressionnant de personnes, mais il ne les laisse parler que lorsqu’elles disent des choses qui lui conviennent. Ce à quoi Jacinthe Mazzocchetti et Marius Gilbert, qui s’expriment tous deux dans le documentaire, se sont opposés à juste titre. Il est contraire au code journalistique d’utiliser les gens comme de simples porte-parole. Bernard Crutzen picore de-ci de-là ce qui l’arrange.
Critique absurde
Ironiquement, cependant, la surréalité ne réside pas tant dans le reportage de la situation actuelle du corona (comme le documentaire voudrait nous le faire croire). Il s’agit plutôt du flot vertigineux de mensonges, d’innombrables faux, des faits sortis de leur contexte, des interprétations totalement erronée des chiffres, de l’introduction d’un certain nombre de faux experts, de formulation d’accusations infâmes et, enfin, de formulation d’affirmations gratuites. En ce sens, regarder et analyser le documentaire est un bon exercice pour pratiquer la pensée critique.
L’approche suspecte de chaque aspect des questions relatives au Covid dans le documentaire relève du biais de confirmation dans lequel toute l’histoire est prise. Tout est interprété uniquement du point de vue de la conspiration et aucune voix dissidente ou opinion alternative n’est même prise en compte. Cela n’a absolument plus rien à voir avec un esprit ou une approche critique saine. C’est clairement le contraire de la véritable pensée critique. Contrairement à ce que certains pensent, Crutzen ne pose pas non plus de bonnes questions. En fait, il ne pose aucune question, mais lance toutes sortes d’insinuations qui ne reposent sur rien. Les liens accidentels ou très superficiels sont amplifiés en faits globaux. Il s’est notamment centré sur la présentation de Marc Van Ranst, le 22 janvier 2019 à Chatham House (exposé sur l’approche de la crise au moment de la grippe porcine). Bien que Van Ranst lui-même ait clairement indiqué son éventuel conflit d’intérêts, le fait qu’il ne le fasse que pendant deux secondes est une raison suffisante pour Crutzen de présenter le conflit d’intérêts comme une évidence. Damné si vous le faites et damné si vous ne le faites pas.
Lits d’hôpitaux
L’importance de prévenir une saturation des hôpitaux publics devient le principal message des gouvernements et des médias. L’aplatissement de la courbe est le message du gouvernement, dont le porte-parole est les médias.
Ce qui frappe Crutzen à cet égard, c’est l’uniformité des rapports (un élément, d’ailleurs, qui revient souvent chez les théoriciens de la conspiration). Le fait que tous les médias diffusent globalement le même message n’indique pas, dans cette ligne de pensée, que cela pourrait être la vérité, mais révèle plutôt une manipulation consciente et coordonnée. « Tout communicateur sait que la répétition du message est au cœur de la propagande », déclare M. Crutzen. C’est vrai, mais c’est aussi une caractéristique d’une communication bonne et efficace. Surtout lorsqu’il s’agit d’une situation jusqu’ici inconnue dans laquelle de nouvelles mesures et de nouvelles lignes directrices pour notre comportement, qui sont dans l’intérêt de tous, doivent être diffusées aussi largement que possible dans la société.
Ce changement de comportement nécessite naturellement une période d’adaptation. Cela prend du temps et il sera probablement difficile pour beaucoup de gens d’en tenir compte au début. Cependant, plus la communication est claire et monotone, plus elle sera efficace et plus elle touchera de gens. Après tout, une partie de la clarté réside dans la répétition constante. Frappez, frappez toujours.
La télévision: le diable, le diable incarné.
La vieille accusation selon laquelle la télévision joue un rôle malveillant est brillamment présentée. Nous voyons un gros plan de l’œil de Crutzen et sa voix off : l’œil comme symbole de la porte directe vers notre âme, comme soi-disant accès immédiat à notre subconscient. Il parle d’une véritable hypnose collective parce que les médias nous prennent à la gorge. Ainsi, Crutzen suggère que nous ne sommes plus capables de penser par nous-mêmes et que nous sommes endormis par des images hypnotiques. Comment se fait-il alors qu’il y échappe ? Pourquoi est-il au-dessus de tout cela ? Il n’y a pas d’explication à cela. Il est assez ironique de constater que c’est précisément ce message qui nous est transmis par les images télévisées.
Messages subliminaux, un cadavre réchauffé
Crutzen prétend avoir étudié les messages subliminaux. « Ce sont les images qui entrent immédiatement dans notre cerveau sans que nous en soyons conscients », dit-il. Mais la théorie sous-jacente a été réfutée depuis longtemps. Les messages subliminaux n’existent tout simplement pas. Soit les images sont remarquées et traitées, pour ensuite devenir conscientes, soit pas du tout. L’idée effrayante selon laquelle nous sommes influencés par des images, sans en être conscients, continue de séduire de nombreuses personnes et semble convaincante. Pourtant, l’idée d’enregistrer des images à un niveau inconscient sans s’en rendre compte s’est avérée être une forme de pseudo-science. Notre subconscient, dans la mesure où il existerait selon cette interprétation, n’est pas abordé de cette manière. Mais ce n’est pas tout. Crutzen ne semble même pas être capable d’utiliser le terme correctement. Les images qui peuvent être vues en arrière-plan ne sont pas des images subliminales.
Une pièce de théâtre ?
La voix off se poursuit. Les images en arrière-plan du reportage de la RTBF auraient été achetées sur Shutterstock, les patients seraient des acteurs engagés. Bien sûr, il ne fournit aucune preuve à cette déclaration. Les images sont faciles à trouver avec une recherche, mais il n’y a aucune preuve qu’il s’agisse d’une mise en scène. Nous voyons des jeunes gens qui ont été quelque peu maquillés, dit Crutzen. Cela, dit-il, est en totale contradiction avec la majorité des personnes qui souffrent de la maladie, qui sont âgées ou très âgées. « Le message subliminal est clair. Même les jeunes en bonne santé, y compris vous, peuvent devenir des victimes de COVID ». Notre réserve ici est la suivante : et qu’est-ce qui ne va pas exactement dans cette déclaration ? Les jeunes gens en bonne santé, sans antécédents médicaux, peuvent en effet être saisis par la maladie. De plus, tomber malade n’est pas synonyme de mourir. Mais ici, Crutzen (comme beaucoup de théoriciens du complot ou de militants contre les mesures-Covid) témoigne d’une vision simpliste et peu subtile de la réalité : soit vous êtes mort, soit vous êtes vivant. Comme s’il n’y avait pas tout un éventail de troubles et de blessures permanentes entre les deux ? M. Crutzen ignore-t-il vraiment les nombreuses personnes qui, même des mois plus tard, souffrent encore de perte de goût et d’odorat, d’essoufflement dû à des lésions pulmonaires permanentes, de problèmes cardiaques ou sont victimes de graves dommages neurologiques ?
Hallucination
L’évolution du nombre de décès est discutée plus en détail. Et puis nous avons des moments particulièrement gênants. Il compare de manière embarrassante les chiffres entre les différents pays comme un « score », comme s’il s’agissait d’une compétition. La Belgique était en effet le leader mondial à un moment donné. Quelques secondes plus tard, il devient vraiment surréaliste. Crutzen ajoute rapidement quelques images du concours Eurovision de la chanson, où une dame souriante et joyeuse attribue 12 points à la Belgique. C’est pour le moins morbide d’y associer le nombre de morts. Où donc sont passés la sérénité et le respect pour les défunts et leurs familles ?
La leçon commence
Peu de temps après, c’est l’heure du cours « Avec Bernard, jonglons avec les chiffres ». Le 31 décembre 2020, 19 500 personnes sont décédées des suites de la COVID-19. En Belgique, c’est certainement vrai. Mais Crutzen fait alors une erreur sournoise que commettent de nombreux critiques des mesures et des théoriciens du complot. Il divise ce chiffre par l’ensemble de la population pour conclure qu’il ne représente que 0,17% de la population. Bien sûr, ce chiffre semble extrêmement futile. Mais voilà une astuce particulièrement trompeuse: 19 500 morts deviennent 0,17%. Les victimes deviennent ainsi une statistique hors contexte. À l’échelle mondiale, bien sûr, cela forme une image encore plus abstraite, comme si rien ne se passait. Ce qui serait vraiment correct, c’est de diviser les 19 500 par le nombre d’infections. Ce n’est qu’à ce moment-là que vous aurez une idée précise de la mortalité que ce virus a connue jusqu’à présent.
Il reste particulièrement important de mentionner qu’il s’agit du nombre de décès suite aux mesures mises en place, telles le maintien d’une distance, le lavage des mains, les masques de bouche et malheureusement le (semi-)lockdown. Sans toutes ces précautions limitant la liberté, cela aurait été vraiment catastrophique, tel est le paradoxe de la prévention. De cette façon, vous ne considérez que les décès sans reconnaître la gravité des autres inconvénients, des dommages à long terme et des blessures permanentes.
Crutzen conclut : « Quelle est la différence entre la perception et la réalité des chiffres ? Ce n’est pas une apocalypse. Nous devons donc mettre les chiffres en perspective ». Une fois de plus, nous dit le message conspirationniste : notre perception est dupée, trompée, abusée et manipulée. Et les médias en sont les grands coupables. Il arrive à ce résultat sur base d’une misérable arithmétique. Il faut le faire !
Con Magritte in Italia
« En Italie, les médecins estiment qu’une minorité de décès est due au seul COVID ». Une minorité ? Nous avons cherché l’article cité dans le documentaire et on nous dit quelque chose de différent. Là encore, nous découvrons le manque de contexte : un bel écart magrittéen entre le texte et l’image. Le virologiste italien Matteo Bassetti a affirmé que des victimes ont été attribuées par erreur au COVID-19 au début de la pandémie. De combien de décès attribués par erreur au COVID-19 parlons-nous donc ? Bassetti ne parle pas de chiffres, et certainement pas d’une petite minorité.
Utilisation réussie de l’astuce numéro x du manuel de conspiration de Crutzen : un scientifique consciencieux admet que des erreurs de jugement ont été commises, mais ceci est présenté comme une stratégie délibérée de mensonge à partir d’un plan préconçu. C’est ce qui fait que ce qui est raisonnable paraît suspect. La compréhension avançant est présentée comme un aveu de faiblesse. Au début de la pandémie, les Italiens avaient une méthode d’enregistrement des victimes de COVID-19 qui différait de celle des autres pays européens. Ceci afin d’éviter que les gens ne sous-estiment la gravité de la situation. Dans la vidéo qui accompagne l’article, Matteo Bassetti propose simplement de compter désormais le nombre de victimes de la pandémie selon la méthode européenne.
Mais l’article du Corriere della Sera mentionne également une correction importante :
Les affirmations de [Matteo] Bassetti se heurtent cependant aux données publiées en juillet par l’Istituto Superiore di Sanità et l’Istat. En analysant les informations rapportées par les médecins pour 4 942 registres de décès, le Covid « est la cause directement responsable du décès dans 89% des cas de personnes ayant été testées positives au Sars-CoV-2 » ; pour les 11% restants, « le Covid est cependant une cause qui peut avoir contribué au décès en accélérant des processus morbides déjà en cours, en aggravant l’issue de maladies préexistantes ou en limitant la possibilité de traitement ». En outre, l’infection Covid peut s’avérer mortelle même en l’absence d’autres facteurs de comorbidité. En fait, il n’y avait aucune cause de décès préexistante au Covid dans 28,2% des décès analysés »
Après coup, la critique est facile.
Bien sûr, avec le recul, nous savons tous comment les choses n’auraient pas dû être faites. Toutefois, cela ne signifie nullement qu’il y ait eu malveillance. De telles suggestions sont l’exemple typique de parti pris rétrospectif. Il est facile de parler avec le recul, car vous disposez de nettement plus d’informations pour mieux juger. Les décideurs politiques et les scientifiques doivent souvent agir ou donner des conseils sur la base des connaissances disponibles, qui sont par définition incomplètes. Cela peut conduire à des jugements erronés.
En effet, le rapport de la BBC présenté par Crutzen fait état d’un chiffre de 5 000 cas attribués à tort au COVID-19 selon une étude d’Oxford. Mais là encore, manque la contextualisation. Le fait qu’en fin de compte il ne s’agissait que d’une correction de 46.000 à 41.000 cas est délibérément omis par Crutzen. Néanmoins, cette nuance crée une perspective entièrement différente. Sciensano a également corrigé une centaine de cas qui avaient été erronément comptés. Mais le documentaire suggère, à tort, que le nombre de victimes erronément déclarées pourrait en fait être beaucoup plus élevé. Toutefois, ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les cas éventuels, mais les chiffres réels. Ici aussi, Crutzen ne fournit pas la moindre preuve et ne laisse que quelques vagues suggestions et insinuations.
Des remèdes pires que la maladie?
Il était inévitable que certains se demandent si l’approche choisie dans cette crise n’a pas provoqué la mort de plus de personnes que celles qui ont été finalement sauvées. Les remèdes seraient donc bien pires que la maladie. La question de l’efficacité est bien sûr légitime et fera probablement l’objet d’un débat politique et socio-scientifique animé dans les années à venir. Pour une réfutation détaillée de cette proposition, nous vous renvoyons à Eerste hulp bij pandemie (2020) de Maarten Boudry et Joël De Ceulaer. Ce livre récent couvre un grand nombre de recherches scientifiques. Suivant le lien, vous trouverez leurs sources sous les rubriques « Dommages collatéraux » ( Nevenschade ) et « Poudre de perlimpinpin » ( Olifantenpoeder ). C’est toujours la même rengaine chez les amateurs de la conspiration. Une fois de plus, le paradoxe de la prévention est à l’œuvre ici. Comme les grandes catastrophes n’ont pas eu lieu (grâce aux mesures prises), le danger est simplement banalisé, voire relégué au domaine des fables.
Charlatans
Crutzen n’hésite pas non plus à donner la parole ou à filmer un certain nombre de charlatans et de gourous de la conspiration, connus ou moins connus. Sans vouloir être exhaustif, il est par exemple difficile de comprendre que l’on donne la parole – sans le moindre regard critique – à des personnes telles Pascal Sacré, Mélanie Dechamps et Lieven Annemans. Tous ces oiseaux bizarres, conspirationnistes connus, charlatans et autres scientifiques à la réputation douteuse sont de la revue. Le livre Corona Fehlalarm ? (2020) de Sucharit Bhakdi et Karina Reiss, dont l’Université de Kiel s’est distancée, est mis en avant par Heiko Schöning, célèbre leader allemand conspirationniste de l’ACU2020 et membre de la World Doctors Alliance. Ces derniers constituent un groupe international composé principalement d’opposants à la vaccination.
[Pour son livre et sa minimisation non scientifique de la pandémie de COVID-19, Bhakdi a reçu « médaille d’or du plus grand gourou 2020 »]
Nous avons ensuite le Dr. Simone Gold, de l’association America’s Frontline Doctors, qui parle de la HCQ. Elle a rejoint les troupes qui ont donné l’assaut au Capitole le 6 janvier dernier et a été critiquée à plusieurs reprises par les experts pour ses opinions scientifiques lamentables. Ou encore le Dr. Stella Immanuel, également membres des America’s Frontline Doctors ? Elle croit en l’existence des sorcières et estime que les démons volent le sperme pour se reproduire. Le médecin allemand Wolfgang Wodarg est également présent.
Bien sûr, Christian Peronne, Didier Raoult et Alexandra Henrion-Caude sont de la partie. On dirait un who’s who de la conspiration moderne autour du Corona. Réfuter toutes les absurdités de ces personnes prendrait un article à part entière, donc pour l’instant nous allons nous en tenir aux références.
Un flot d’images
Il s’agit d’une technique souvent utilisée, noyer le poisson : le spectateur est submergé par des tas de chiffres, de faits, d’images, de statistiques et de noms, l’ensemble se déroulant à un rythme effréné, dans une succession rapide, de sorte que le spectateur peut à peine traiter l’information ou avoir le temps de réfléchir. Le spectateur se retrouve alors complètement hébété au sortir d’un tour vertigineux. La plupart des gens ne se donneront pas la peine de faire une pause de temps en temps pour regarder, vérifier et contextualiser chaque déclaration, partie ou référence. Il est donc extrêmement difficile pour le spectateur qui ne se doute de rien de ne pas être emporté, de ne pas s’enfoncer dans ce marécage de conspiration. Ceux qui n’étaient pas entièrement convaincus au début seront complètement éblouis à la fin.
Le documentaire fait énormément d’allusions, mais n’articule jamais tout à fait la nature de l’intrigue. C’est ce qui fait sa force. Il s’agit d’alimenter le doute et la suspicion qui obligent chacun à faire appel à son imagination pour construire le scénario le plus plausible en reliant les points dessinés. La thèse doit sembler suffisamment concrète pour être encore un peu crédible, mais d’autre part, elle doit être suffisamment vague pour ne pas être trop facilement réfutée.
Scénario catastrophe
Quelles perspectives d’avenir Bernard Crutzen nous offre-t-il réellement ? En ce qui concerne les alternatives, il reste très vague. Il esquisse un scénario noir, mais ne fournit aucun point de référence pour se sortir de cette situation sans issue. En tant que tel, ce documentaire ne fait qu’encourager la dépression et les sentiments de désespoir. Ce n’est qu’indirectement que nous pouvons distiller certaines des recommandations de Crutzen.
Par exemple, il plaide implicitement pour la fin de la dépendance financière des médias et des instituts de recherche tels que Sciensano vis-à-vis de financements privés. Un objectif noble, mais ce problème n’est certainement pas nouveau et tant les médias que les institutions de recherche ont mis en place des mécanismes pour limiter au maximum l’influence unilatérale.
Le fait que la Fondation Bill & Melinda Gates donne de l’argent à toutes sortes d’institutions ne signifie pas qu’elles déterminent unilatéralement les voies de recherche. Les institutions veillent toujours à ne pas dépendre d’un seul ou de très peu de donateurs. De plus, les scientifiques sont jugés par une communauté internationale qui ne sont pas tous financés par Gates (ou George Soros, ou par la Fondation Rockefeller, …). Crutzen donne un point de vue très simpliste et typique des théoriciens du complot sur le monde scientifique.
La critique est saine
Critiquer les différents médias et institutions est évidemment légitime, c’est même essentiel pour la santé d’une démocratie et pour le progrès de la science. Cependant, cela ne doit pas nous conduire à répandre des flots de bêtises, ou à tomber directement dans un égout puant de suspicion et de pensée conspirationniste. Une critique fondée des médias est indispensable et doit être encouragée ! D’autre part, il n’est pas nécessaire d’ouvrir une boîte de complots absurdes. La vérité sur les problèmes médicaux n’autorise pas la licence poétique. La méthode Crutzen relève du complotisme pur jus. Nul doute là-dessus, pas même pour les sceptiques de naissance que nous sommes.
Brecht Decoene & Peter Zegers